Gérard Hourbette

Dangereuses Visions

hourbette7©I.Francaix

Biographie

Figure majeure de l’avant-garde musicale, Gérard Hourbette aura contribué par son écriture et son engagement au renouvellement des écritures musicales et à l’approche instrumentale.
Violoniste de formation, électroacousticien, compositeur infatigable, Gérard Hourbette, influencé par les œuvres des compositeurs contemporains Iannis Xenakis, Pierre Henry, Karlheinz Stockhausen ou Luciano Berio, a ouvert la voie à des écritures insoupçonnées, issues des échantillonnages, des œuvres pétries d’hybridations des sources, faites de sons naturels et industriels, au croisement des arts vivants et des arts visuels. La richesse de ses oeuvres ouvre sur un paysage sonore poétique, une architecture musicale aux solides soubassements.
Écrivain et poète, ses Écrits (la Pensée universelle, Paris, 1988) livrent une pensée fulgurante qui trace un chemin, une longue route d’un constant voyage vers l’ailleurs, en laissant s’ébranler les éléments de la nature, le vent, des couleurs, des sensations qui invitent à palper la vie, le monde des images et le territoire de l’invisible.
Son écriture était le lieu du souffle qui s’origine dans le fantastique et dans la science-fiction (Philip K. Dick), une étrangeté aux prises avec un humour grinçant. L’artiste a souvent revendiqué une œuvre à « l’orée des songes ou de la mort » en questionnant l’absurde, une ruse qui lui a permis de sublimer le tragique et de déjouer le piège de la douleur et de la maladie.
C’est en 1971 qu’il rejoint avec Thierry Zaboitzeff le groupe de rock progressif Art zoyd fondé en 1969 par Rocco Fernandez. Il formera jusqu’en 1997 avec le compositeur Thierry Zaboitzeff un duo musical fantastique et détonnant qui composera Berlin, Phase IVle Mariage du Ciel et de de l’enferSymphonie pour le jour où brûleront les cités, entre autres. Autant d’albums qui sont devenus de véritables références.

Le groupe va s’orienter, sous l’impulsion notamment de Gérard Hourbette, vers de nouvelles recherches musicales devenant un « groupe phare » de la « nouvelle musique» voyageant aux frontières d’une musique expérimentale instrumentale extrêmement écrite et d’une musique contemporaine électroacoustique ambitieuse et créative (Cf. Dangereuses Visions avec l’Orchestre National de Lille, l’Orchestre de Mexico ou de Vienne dans les années 2000). » Il créera en 1999 un Centre Transfrontalier de Production et de Création  Musicale.

Avec Art Zoyd, Gérard Hourbette va contribuer au renouvellement de l’approche du ciné-concert. Les créations de FaustNosferatu de F. W. Murnau, Häxan de Benjamin Christensen (dernier ciné concert, composé avec Thierry Zaboitzeff), La Chute de la maison Usher de Jean Epstein, Metropolis de Fritz Lang, supposaient de dépoussiérer la forme, de dépasser les carcans d’une écriture proscrivant à tout prix l’illustration et la redondance entre images et sons. Il valorisera ainsi le jeu orchestral et le rapport à la fois organique et subtil au plateau. Il convient de souligner les créations avec les artificiers du Groupe F devant des publics réunissant des centaines de milliers de personnes, et des créations pour des chorégraphes, Roland Petit (Le Mariage du ciel et de l’enfer pour le Festival de la Scala de Milan en 1984) et Karole Armitage pour Le Chat de Shrödinger en 2001. Créé pour le Ballet de Lorraine, le spectacle va tourner dans le monde entier après une série exceptionnelle au Théâtre National de Chaillot.

Les nombreuses œuvres et leur grande audience (Europe, Japon, États-Unis, Australie, Mexique, etc.), le New-York Times fera ainsi de 44 1/2, une somme de 12 CDs et 2 DVDs parue sur le label américain Cuneiform et retraçant une aventure de plus de 40 années de création de pièces inédites et de concerts live, un des meilleurs coffrets de l’année 2017, témoignent de cette reconnaissance mondiale et de l’originalité d’une démarche construite dans un dialogue avec d’autres artistes, interprètes ou compositeurs de renom.

Directeur artistique de ce laboratoire de création musicale, Gérard Hourbette fut aussi un vrai passeur, humaniste, soucieux de la pédagogie et attentif à la transmission des écritures, à l’accompagnement des jeunes artistes, à l’expérimentation.
Il a su faire des Studios Art Zoyd installés à Valenciennes dans les Hauts-de-France, un lieu unique dédié à des résidences, un centre de création musicale permanent, un espace de gestation des œuvres et de formation à l’art de la composition en veillant de manière constante à une écriture aux frontières d’autres disciplines artistiques.

Art Zoyd  Studios a ainsi accueilli plus de 180 compositeurs  et artistes en résidence, développé de très nombreuses actions de pédagogie, autant diversifiées qu’originales, constitué un label et un répertoire discographique (in-possible records) rééditant non seulement les œuvres du groupe mais aussi enregistrant les compositions issues des commandes aux artistes en résidence.
Les dernières créations de Gérard Hourbette, attentives aux mutations technologiques contemporaines (Armageddon – Opérette pour robots), par exemple, une collection d’œuvres pour casques de réalité virtuelle  autour de l’univers de Dante (Immersion Dante – 2017 / 2020), à l’hybridation instruments et humains, aux installations sonores ouvrent de réelles et stimulantes perspectives sur nos rapports aux images (Trois Rêves non valides, spectacle multimédia), miroir qui laisse entrevoir une vie intérieure palpitante que l’artiste avec malice et humanité n’a cessé de mettre en son et en musique.

Le coffret Phase V est une référence indéniable au double album Phase IV de 1982 qui avait à l’époque marqué un tournant dans l’esthétique d’Art Zoyd.

Phase V, d’une durée de plus de six heures de musique à écouter à fort volume et dans le noir, manifestera un changement radical dans l’esthétique récente encore mixte (électronique et instrumentale) du groupe  en proposant plus de musiques acousmatiques et électroniques, des trajectoires sonores, harmoniques et rythmiques.

Il convient de souligner que Gérard Hourbette avait pour projet un spectacle sans interprète où la musique serait reine, pure, radicale avec des images, des espaces ou des danseurs. In-Ferno, dont le titre est la Joyeuse utopie des lutins de Madagascar explore de nouvelles formes de narration. « Chaque scène de l’opéra est choisie aléatoirement, et déterminée par le choix du public grâce à un dispositif interactif enregistrant la direction que celui-ci désire prendre majoritairement à l’intérieur d’un espace virtuel. Pour ce faire chaque scène est donc  la projection d’un jeu sur grand écran  dans lequel le public choisit une porte, un gouffre, un lac, une rivière, une grotte, lesquels, immanquablement, l’emmène à l’intérieur de l’opéra…

Le but de ce projet était d’inventer ou perpétrer (renforcer) une nouvelle forme d’art vivant, entre espaces virtuels interactifs, musique live et voix artificielles ou préenregistrées, spatialisation sonore active, live performance entre figurants – fantômes,  musiciens, objets déplacés, lumière et ombre.

Enfin le challenge était de tester à quel point l’art du son (la musique) peut être brutal, violent et extrême.
Cela posera le problème du public : “y-a-t-il encore un public pour la musique quand elle dépasse les normes de la bienséance et du confort ? Et quel public ? Où ?”

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